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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 07:00

 

 

La première semaine étant consacrée à l'établissement d'un diagnostic des objectifs et des priorités, je souhaite rencontrer individuellement chaque artisan dans son atelier. Je les connais déjà presque tous pour les avoir déjà eus en formation l'année précédente.

 

Nous commençons donc par Henriette dont la maison est à 200 mètres en contrebas du centre.

Ce premier entretien se déroule dans la pièce principale de la maison qui est à la fois la salle à manger, la chambre, et l'atelier d' Henriette . Elle ne tisse pas mais ne fait que du filage au fuseau. Un peu timide, elle parle peu, d'autant que nous sommes accompagnées de la moitié des artisans. Larisoa traduit tant bien que mal les questions-réponses.

 

Après ce premier entretien nous descendons à pied les 2 kilomètres qui nous séparent du village et allons chez Philibertine.

Philibertine est la présidente de l'association Sahalandy. C'est une association créée il y a 5 ans pour regrouper différentes petites associations oeuvrant dans le même but. Il y a 80 adhérents environ, dont 30 actifs.

A voir Philibertine on ne soupçonne pas l'énergie qu'elle déploie quotidiennement. Elle dégage plutôt une sorte de nonchalance tropicale...pourtant, cette mère de 8 enfants mène de front ses activités artisanales, domestiques et s'occupe activement de l'association, toujours avec le sourire...

 

Philibertine

 

Puis nous allons chez Henri et Prisca où un déjeuner nous attend.

Prisca sera « ma » cuisinière pendant le séjour. Elle a un projet de restaurant non loin du centre artisanal. (C'est la première fois que je n'ai pas maigri pendant un séjour à Madagascar, j'aurais même pris du poids...Prisca m'a concocté pendant tout le séjour des petits plats meilleurs les uns que les autres, en très grosse quantité : je n'ai jamais pu finir une assiette!).

Elle a certes pris son rôle de cuisinière très au sérieux, mais au détriment de l'objectif de la mission., elle n'aura pas eu le temps de travailler sur un seul modèle.

Henri, lui, travaille dans son coin et me fait voir quotidiennement ses réalisations : sac, sac à dos qui sont très originaux par rapport à ce que j'ai vu jusqu'ici et nous pouvons discuter des points à améliorer. Mais il ne semble pas vouloir que les autres voient ses modèles.

 

L'après-midi et les jours suivants nous faisons ainsi le tour des ateliers, ce qui me fait découvrir les environs de Sandrandahy, certains étant à 1 bonne heure de marche du village.

 

 

Les discours sont unanimes :

le problème principal est le manque d'argent pour acheter la matière première.

 

Car, chose curieuse, si l'on tisse depuis des générations à Sandrandahy, on n'a jamais été autonome en matière première, que ce soit soie ou coton.

La soie sauvage a toujours été achetée à Ambatofinandrahana ou à Ambohimanjaka, là où se trouvent les forêts de tapias, arbres sur lesquels les chenilles du borocera madagascariensis se nourrissent et font leur cocon au rythme de 2 cycles de production par an.

Mais depuis 2 ans le prix du kilo de cocons est passé de 3000 à 18000 ariary ! Et il faut 2 kilos de cocons pour un kilo de fil, ce qui amène le kilo de fil à 60 000 ariary minimum au lieu de 30 000, et c'est au détriment de la rémunération de la fileuse.


mission-mada-2012-038.jpg

Cocons de landibe, soie sauvage de Madagascar.

 

Je demande ce qui a provoqué cette flambée des prix.

Les réponses sont évasives : la « crise » (toutes les matières premières ont effectivement augmenté depuis le début de la crise politique de 2009), le manque de cocons (en fait non, il y a même des endroits où ils ne sont pas ramassés car situés dans des zônes rouges où sévissent les « dahalo », brigands de grands chemins), mais surtout, mais cela je m'en apercevrai par moi-même, parce que les américains achètent tout, parfois même avant récolte et au prix fort.

Les artisans malgaches n'ont plus qu'à s'aligner sur les prix fixés par les américains s'ils veulent des cocons...

Or à Sandrandahy, les artisans n'ont pas de sous...un peu à cause des américains.... on tourne en rond !

Il me faudra plus d'une dizaine de jours pour avoir bribes par bribes les explications de cette situation.

Quand j'étais passée à Sandrandhy en mars 2011 c'était l'euphorie !

Grâce à une Peace Corps (volontaire) américaine dont la mission était de trouver de nouveaux marchés,les artisans allaient participer à une grande foire du commerce équitable à Santa Fe.

Un stock impressionnant d'écharpes allait donc quitter les ateliers pour les Etats Unis.

Prisca qui joue le rôle de commerciale de l'association allait même partir là-bas où les écharpes allaient pouvoir se vendre 3 fois plus chères qu'à Madagascar et tout le bénéfice serait pour les artisans.

 

De passage à nouveau en novembre 2011, l'enthousiasme était un peu retombé même si les résultats obtenus étaient loin d'être nuls : 6000 dollars de chiffre d'affaire, une aubaine !

Oui mais... avec ces 6000 dollars il a fallu payer le frêt, la douane, le voyage de Prisca, ses frais sur place, le stand à Santa Fe et ils ont fondu comme neige au soleil...

Ajoutez à cela que, bénéficiant d'une subvention européenne, d'un terrain donné par la mairie, Sahalandy s'est engagé dans la construction d'un centre artisanal regroupant un magasin, une magnanerie, un atelier et des bungalows dont l'association doit assumer une partie des frais qui représentent 25% de la somme gagnée aux Etats Unis, et au bout du compte il ne reste plus rien des 6000 dollars. Les artisans n'ont donc pas récupéré individuellement leur mise de fond initiale pour leur stock et sont sans rentrée d'argent signifiante depuis un an...

Ces explications sont un peu longues mais nécessaires à la compréhension de la situation actuelle et des difficultés que j'ai rencontrées lors de ma mission.

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commentaires

R
<br /> Triste constat devant l'immensité du possible si on n'opposait pas les humains entre eux... mais l'argent est tellement le règne dans ce monde... C'est désolant de voir de tels profits sur<br /> l'homme....<br />
S
<br /> Incroyable et triste !<br />
M
<br /> <br /> C'est pourquoi je voulais témoigner. On nous "bourre le mou" avec le commerce équitable. Avec cette opération les américains vont dire : voyez, ils ont vendu pour 6000 dollars! et c'est vrai,<br /> mais c'est occulter une partie des faits!<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> C'est fou comme un message sur un blog peut amener à comprendre des situations graves,  leurs causes et leurs conséquenses bien mieux qu'un article dans un journal ou un magazine.<br /> Merci Marie<br />
M
<br /> <br /> De rien, je ne fais que dire ce que j'ai vu!<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Bonjour<br /> Merci pour ces articles. Vous ne devez pas etre decue. Mais combattive.<br /> <br /> <br /> Vous avez vu, vous comprennez mieux, vous vous faites désormais des idées basées sur des expériences et vous savez désormais que rien n'est simple et que meme l enfer est pavé de bonnes<br /> intentions. C est le monde du "développement", de l aide, de la solidarité ou les ego et la charité bien ordonnée ne sont pas toujours au rendez vous des besoins réels des populations.<br /> <br /> <br /> La connaissance est toujours plus difficile a vivre que l ignorance et vous en faites l experience peut etre douloureuse.<br /> <br /> <br /> Mais voila avec ce que vous savez, vous pouvez édifier les gens, informer, sensibiliser, expliquer. Et ca c est aussi important.<br /> <br /> <br /> Personnellement je pense que le commerce équitable ne l est pas tant que cela. Il offre de l exotisme a bon compte aux consommateurs occidentaux comme moi en soif de bonne conscience (vous pensez<br /> bien, du riz rouge du plateau des Sargasses, tellement bon et en plus si les paysans sont payés plus chers !). Mais voila rien n est simple. Et pour ma part le vrai commerce équitable, c est un<br /> commerce à un échelon local qui permet a chacun de consommer mais aussi de valoriser ce qui est produit sur place pour le vendre sur place.<br /> <br /> <br /> L illusion de l export est tenace et malheureusement cette illusion dure alors qu il serait bien plus porteur de créer une filière de transfo de la soie malgache qui permettent a des artisans d<br /> en vivre sur place.<br /> <br /> <br /> Mais le chantier est vaste et pour ce combat, la connaissance et la persévérance sont les maitres mots. Courage.<br />
M
<br /> <br /> Mais je ne suis pas déçue! je regrette de ne pas avoir pu faire tout ce que j'avais prévu faute de matière première et faute de moyens, et j'espère que le peu que j'ai pu apporter aux artisans<br /> leur sera utile et profitable.<br /> <br /> <br /> Ceci dit, j'ai toujours préféré le terme "solidaire" à celui " d'équitable", quand il est vraiment appliqué dans le plein sens du terme. Je ne me suis jamais fait d'illusions sur le commerce<br /> équitable, et il a bon dos aujourd'hui!<br /> <br /> <br /> Oui, il y aurait encore beaucoup à faire pour la filière soie. Mais ce n'est pas en allant là-bas 2 mois par ci 2 mois par là que je peux faire quelque chose. Il faudrait s'installer là-bas, mais<br /> là je suis trop vieille maintenant et je ne m'en sens pas l'énergie.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Non, ce qui me chagrine le plus c'est de voir la situation se déteriorer à Madagascar. Le Madagascar d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le Madagascar d'il y a 5 ou 6 ans. Je ne veux pas<br /> faire d'ingérence politique (j'ai déjà du mal avec mon propre pays!) mais cette crise a des conséquences désastreuses  sur le quotidien de la plupart des malgaches, sans parler de l'impact<br /> sur les mentalités. Encore une fois, je ne juge pas, je constate. Je pense que dans les mêmes conditions le tableau ne serait pas plus réjouissant ici.<br /> <br /> <br /> Tout ceci invite à rester humble et à continuer, pas à pas, mais des fois on enverrait bien tout balader quand même!<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Elle y a vécu pendant 14 ans; elle était rentrée il y a qq années (3 - 4ans?) quand ça allait vraiment très mal; elle est repartie l'an dernier. Elle est à Majunga...elle ne se plaint pas,<br /> sachant qu'en France c'était très difficile pour elle....<br /> <br /> <br /> Je lis régulièrement ta news, toujous très intéresante...je suis tes projets...j'avais failli passer chez toi, il y a 4 ans, allant à un mariage dans ta région...<br />
C
<br /> Merci pour toutes ces infos...pas réjouissantes...j'ai une soeur qui vit à Mada...<br />
M
<br /> <br /> et comment ressent-elle l'évolution de la crise?<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> J'attends avec impatience la suite, ça semble galère pour les artisans !<br />
M
<br /> <br /> Oui, la situation est très difficile pour la population en général, mais plus particulièrement pour ces artisans du fait qu'ils ont été mal conseillés sur leurs investissements. Ils le paient<br /> cher aujourd'hui!<br /> <br /> <br /> <br />